« On m’appelle Demon Copperhead », de Barbara Kingsolver, traduit par Martine Aubert, 2022, 2024 édition française. 605 pages.
L’HISTOIRE
Demon est un ado né dans les Appalaches à même le sol du mobil-home de sa mère toxico. Il n’a pas connu son père, décédé avant sa naissance.
Devant se gérer en plus de gérer sa mère jusqu’au décès de cette dernière le jour de ses 10 ans, Demon s’est construit tout seul, grâce à son intelligence, sa forte résilience, sa personnalité enjouée, sa curiosité et sa sensibilité, et aussi grâce à sa passion du dessin, passion salvatrice. Il a pu aussi prendre appui sur quelques rares bonnes personnes qui croiseront son chemin.
Demon est le narrateur de ce roman. Avec une gouaille géniale et beaucoup d’humour, il nous raconte son enfance plutôt heureuse jusqu’à ses 10 ans malgré les rechutes de sa très jeune mère et l’ignominie de son beau-père. Ce bonheur est permis grâce à la famille d’en face qui le prend sous son aile et lui offre des moments de chaleur, d’affection, d’attention.
Demon nous raconte sa seconde décennie désastreuse, suite au décès de sa mère : les services sociaux défaillants, les familles d’accueil pourries jusqu’à la moëlle, l’exploitation, la faim. Une sacrée épopée humaine.
Il fera de mauvaises rencontres, de mauvais choix, vivra des mésaventures quand tout semble s’arranger, tombera bien bien bas. On est scotché à son histoire, ça devient impossible de lâcher ce livre, on a tant envie de savoir s’il va s’en sortir, Demon, s’il va parvenir à se construire la vie sympa qu’il mérite.
MON AVIS :
Hé bien le voilà, mon second gros coup de coeur de cette année de lecture. Malgré une histoire très triste et bien sombre, ce roman est rendu lumineux par la plume délicieuse de l’auteure, drôle et intelligente, et surtout par la personnalité de Demon, ce jeune garçon broyé par la vie, exploité, influençable, mais qui parvient à trouver du positif en tout, qui saura repérer ceux qui lui veulent du mal, se rapprocher de ceux, rares, sur lesquels il sait pouvoir compter. Les personnages secondaires sont tous bien construits, fouillés, intéressants.
Demon est un personnage beau, inoubliable, tout comme pas mal des personnages secondaires. Il y a énormément d’humanité et d’amour, dans ce roman. Tout autant que de noirceur et de déviance.
Barbara Kingsolver a réussi son pari de transposer le chef d’oeuvre de Charles Dickens, « David Copperfield », à l’Amérique rurale contemporaine.
On sent tout son travail de documentation et aussi son implication personnelle dans les deux grandes thématiques de ce roman : les ravages de la consommation d’opioïdes aux Etats-Unis, parfois avec une complicité médicale, et la défaillance des services sociaux pour accompagner, sécuriser les enfants aux familles brisées.
Elle montre aussi de jolies choses, l’existence de personnes fondamentalement bonnes, altruistes et sensibles, et très humbles. Du grand roman social américain comme j’aime, quoi.
Demon, personnage fort, drôle, un vrai magicien de la vie, est un personnage que je n’oublierai pas, un des rares personnages qui vont marquer ma vie de lectrice.
La dernière phrase du roman m’a fait couler des larmes, très très rare en lecture chez moi.
Je suis une fan depuis toujours de l’écrivaine américaine Barbara Kingsolver et je pense que ce roman est mon préféré d’elle, avec « L’arbre aux haricots », que je recommande fortement.
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