Un des rares textes d’Annie Ernaux que je n’avais pas lu. Hop, 76 pages englouties en moins de deux heures, charmant petit moment.
Annie Ernaux raconte sa passion envahissante pour un homme marié, qu’elle a fréquenté quelques mois à la fin des années 80. Une passion qui a orienté toute sa vie durant cette période, gestes, choix, pensées, achats, sorties, amitiés, une passion qui l’a fait chanceler le temps de l’attente du coup de fil qui fixerait le prochain après-midi d’étreintes.
Mais ce n’est pas la relation qu’elle raconte. C’est le mécanisme et la nature de l’obsédante passion qu’elle pose et analyse, les changements que celle-ci a pu opérer en elle, changements puissants issus de forces qui ont pu la conduire à la joie tout autant qu’à la noirceur et à l’anéantissement, une passion qui lui a appris sur la vie, sur son rapport au temps, aux autres, sur sa capacité à être capable de tout.
» J’ai découvert de quoi on peut être capable, autant dire de tout. Désirs sublimes ou mortels, absence de dignité, croyances et conduites que je trouvais insensées chez les autres tant que je n’y avais pas moi-même eu recours. À son insu, il m’a reliée davantage au monde ».
C’est un très beau texte sur la passion, courageux et honnête, j’ai beaucoup aimé, en plus du bonheur de retrouver l’écriture d’Annie Ernaux.
Et puis ce texte, paru en 1991, transporte dans un autre temps, délicieuse nostalgie, le temps où on l’appelait depuis des cabines téléphoniques, où l’on nommait living son salon moquetté, où les ados allaient à des boums, où on disait « mec », où l’on mettait des vestons et roulait en R25, où sans décodeur Canal + grésillait. Bien plus authentique et savoureux que pas mal d’auteurs actuels qui écrivent sur cette époque (parfois sans l’avoir vraiment connue…) parce que c’est tendance, mais ce n’est que mon avis, j’arrête de faire ma grincheuse.
Bon, faut lire Annie Ernaux, quoi.
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