Hélène a bientôt 40 ans. Après un burnout, elle quitte Paris avec son mari et leurs deux filles pour pour se réinstaller dans l’est de la France, dont elle est originaire, et qu’elle avait fui après le bac.
Elle ne tarde pas à retrouver du boulot à Nancy, dans un prestigieux cabinet de conseil en gestion.
Car Hélène a réussi à s’extraire de sa condition d’enfant d’ouvrier, elle a bûché comme une malade pour accéder au sacrosaint bac S, aux prépas et à une des écoles de commerce dans le top 10 français. C’était son but : être cadre, Paris, l’argent, c’était pour elle la clé de la réussite, du bonheur, de l’accès à la culture.
Elle a eu tout çà, c’était une parisienne qui fréquentait tous les endroits où il « faut absoooolument » aller. Çà n’a pas empêché le burnout.
Son mari a fait une école identique, encore plus prestigieuse. Tous deux gagnent très bien leur vie, travaillent énormément sous des pressions importantes, voyagent beaucoup en famille, vivent dans une sublime maison d’architecte dans la banlieue chic de Nancy.
Mais Hélène s’ennuie, est détachée de sa famille, repense beaucoup à sa vie de lycéenne et d’étudiante, les fêtes, l’alcool, les boîtes, le sexe. Elle aspire à une jeunesse qu’elle réalise avoir perdue, tout en se rendant compte de la futilité de son boulot.
Un soir, Hélène va croiser Christophe, la star de l’équipe de hockey locale et du lycée à l’époque, avec qui couchait sa meilleure amie alors qu’Hèlène rêvait de lui.
Hélène va reprendre contact avec Christophe, devenu commercial de nourriture pour animaux, qui n’a jamais quitté la région. On va suivre les souvenirs et les pensées d’Hèlène, sa vie au boulot, son histoire avec Christophe, la dégringolade de sa famille.
On va suivre aussi Christophe, fraichement divorcé, qui s’occupe de son petit garçon en garde alternée, de son père chez qui il vit et qui perd la boule, qui fait trop la fête avec ses potes célibataires et rêve de rejouer au hockey, qui se demande s’il a pas tout raté, s’il a fait les bons choix, qui se rend compte, comme Hélène, qu’il ne peut plus revenir en arrière.
Contrairement à « Leurs enfants après eux », foisonnant de personnages, nous baladant dans des univers très variés, entretenant un suspens sur les croisements et destinées de ces personnages de province attachants et lumineux, là je me suis un peu ennuyée.
Les deux personnages principaux, toujours en quête de leurs sensations d’adolescents, pris dans leur passé, effrayés par l’avenir, incapables de savourer le présent, m’ont agacée. Je les ai trouvés peu crédibles, décalés, assez immatures. Quand Hélène, bientôt 40 ans, parle de son mari en disant « mon mec », çà m’exaspère assez.
En outre, le texte est assez centré sur cette histoire physique et sentimentale entre Hélène et Christophe et les histoires d’amour, c’est pas du tout mon truc.
Néanmois, Nicolas Mathieu aborde aussi, tout comme dans « Leurs enfants après eux », la scission de mondes qui ne savent pas se rejoindre, cadres/employés, paris/province notamment, de façon très pertinente. Hélène nage desespérément au milieu de ces mondes imperméables et les courants sont vraiment forts, elle s’en rend compte et en souffre, elle va devoir revoir sa technique de nage ou faire des choix pour avancer dans la vie, voilà ce que j’ai compris du coeur du sujet, sujet qui là, me plait beaucoup.
Enfin, j’ai aimé la façon dont Nicolas Mathieu évoque le gros business politico-économique des cabinets conseil où fourmillent des hauts-diplômés, requins moulés aux mêmes écoles, payés plus ou moins bien en fontion de la côte de l’école, qui s’en mettent plein les poches au gré des grosses réformes administratives régulières de la France, vendant du conseil managérial et de la restructuration sans penser à l’humain, juste aux économies réalisées, c’était bien d’oser parler de çà, de ces coquillages agglutinés au rocher providentiel.
J’aime la prose de Nicolas Mathieu qui nous expose la France telle qu’elle est en vrai, sans aucun jugement ni engagement, avec surtout beaucoup d’amour pour les « petites » gens qui triment, se résignent, s’accommodent et dansent crient s’enlacent et tapent ensemble du pied sur le Connemara de Sardou dans les boîtes et banquets de mariage qui se transforment en voyage en Irlande durant quelques minutes, faisant rêver les foules.
Malgré des longueurs amoureuses et hockeyeuses, j’ai aimé.