
L’an dernier j’avais adoré la lecture de « Histoire du fils » (Prix Renaudot 2020), de l’écrivaine et professeur de lettres classiques Marie-Hélène Lafon.
Sans même lire le résumé, j’avais foncé acheter son dernier roman quand j’ai eu vent de sa sortie début janvier.
« Les Sources » est un très court roman de 117 pages qui nous plonge en apnée dans l’humain le plus pur, le plus âpre, le plus beau, aussi, le temps de quelques heures.
Nous sommes dans les années 60, dans une vallée du Cantal, dans une ferme isolée.
La première partie du roman, la plus importante, nous projette dans la vie et la tête du personnage principal, une femme de bientôt 30 ans, mariée depuis 10 ans, qui a tout pour être heureuse : avec son mari ils ont pu acheter à crédit une petite ferme pour faire du Saint-Nectaire, payent quelques employés, ont 3 beaux enfants, elle conduit et a sa voiture, chose rare à l’époque dans les campagnes.
Mais très vite elle apparaît seule, débordée, dévastée, terrifiée. Son mari l’humilie et la bat fréquemment, le soir dans la chambre. Il règne un climat terriblement lourd dans cette maison où les enfants, qui ont senti, vivent également dans la peur et la méfiance.
Marie-Hélène Lafon, avec sa plume simple, précise et épurée, nous fait ressentir cette pression à la perfection, ça donne des frissons. La jeune femme a fini par se persuader que son mari a raison, qu’elle est incapable de tenir une maison, qu’elle est hideuse avec son corps tout déformé par les grossesses, qu’elle est bonne à rien.
Personne ne sait rien. Elle fait comme si tout allait bien, cache ses bleus, masque sa détresse à ses parents et à ses jeunes soeurs qu’elle voit le dimanche au repas de famille. Divorcer, çà ne se faisait pas trop, à l’époque. C’était synonyme de femme facile et d’enfants qui vireront forcément mal. Jusqu’où la situation va-t-elle aller ? Va-t-elle s’en sortir ? Dire ? Le suspens est très fort, ce livre est impossible à fermer.
Seconde partie, assez courte, le point de vue du mari. Son histoire, la construction de sa violence interne, son maigre lien avec ses enfants, ses pensées folles, aucune excuse bien entendu, il s’agit juste d’entendre.
Dernière partie, très courte. Une femme. À notre époque cette fois-ci. Bientôt la soixantaine. Une des filles du couple, qui revient voir cette maison où elle a vécu enfant, une de ses sources, juste avant d’aller la laisser partir, chez le notaire. Une dernière partie qui donne tout le sens au titre et ferme la boucle.
Marie-Hélène Lafon comme toujours décrit l’être humain et la famille dans ce qu’elle a de plus profond, ses forces vives, ses forces noires qu’on a forcément croisées un jour (et avec un peu de chance soigneusement pu éviter) et forcément ça parle, ça touche et ça résonne.
Ce roman est un bijou d’humanité, j’ai adoré.