Alors alors ? Ce dernier Goncourt ? Pô mal, vraiment pô mal, très bien, même. Bien mieux que le 2020, « L’anomalie », qui m’avait profondément ennuyée…
Jolie prose inventive mais très dense, wouch faut être en forme, super énigme, de l’aventure. Un bon moment de lecture.
Mohamed Mbougar Sarr, écrivain d’origine sénégalaise qui a donc reçu le prix Goncourt 2021, nous embarque dans la quête de Diégane, jeune écrivain sénégalais, qui cherche à retrouver l’auteur du « Labyrinthe de l’inhumain », un roman qui l’a subjugué, paru en 1938 et devenu introuvable.
Dès qu’il découvre par hasard ce roman incroyable, Diégane veut absolument savoir qui était et ce qu’est devenu son auteur, TC Elimane, qui fut d’abord encensé par la critique pour son roman, avant d’être accusé de plagiat pour finir taxé de » Rimbaud nègre », puis de passer complètement aux oubliettes avec l’arrivée de la guerre.
Tous les exemplaires du « Labyrinthe de l’inhumain » furent détruits, la maison d’édition qui l’avait fait connaître a fermé, et TC Elimane a complètement disparu des radars depuis la seconde guerre mondiale.
Diégane va mener l’enquête. D’abord dans son petit petit réseau d’écrivains d’origine africaine vivant à Paris, puis en tombant par hasard sur une grande écrivaine africaine qui a eu pour amie intime une poétesse haïtienne qui a connu TC Elimane. Cette écrivaine finira par lui confier son étrange lien familial avec Elimane, qu’elle n’a pourtant pas connu, ce qui nous permettra de connaître l’enfance d’Elimane au Sénégal, le contexte de son arrivée en France.
L’écrivaine, qui a également cherché à en savoir plus sur Elimane une fois qu’elle eut appris qu’il est de sa famille, racontera également à Diégane ses échanges avec une vieille journaliste, qui avait à l’époque interviewé les éditeurs d’Elimane, lui-même fuyant les journalistes.
Peu à peu, Elimane se rend compte que les journalistes qui avaient attaqué le livre d’Elimane sont décédés de mort suspecte parfois des décennies plus tard.
À travers les récits des multiples narrateurs qui nous racontent ce qu’ils ont connu d’Elimane, l’histoire de ce dernier prend forme.
On voyage du Sénégal colonisé, à Paris durant la seconde guerre mondiale, puis en l’Argentine, avant de revenir en 2018 au Sénégal, dans un climat social très tendu. Formidable traversée d’un siècle d’histoire.
Le mystère reste entier sur le personnage d’Elimane tout au long du roman. On ne sait pas s’il est toujours vivant, où il se trouve, cet homme est un vrai mystère, toutes les personnes qui l’ont approché ont vécu des choses étranges à son contact. Existe-t-il vraiment ? Est-il un Dieu, un esprit, un mythe ? Le mystère reste entier jusqu’au bout.
C’est une histoire vraiment captivante, mais j’ai été souvent perdue par un style narratif singulier, alternant en permanence et subitement parfois les différents et nombreux narrateurs, alternant également sans cesse passé et présent. Faut s’accrocher, faut être en forme, hein.
Les personnages, nombreux, sont tous passionnants et très originaux, mais leur nombre, leur apparition puis disparition, puis réapparition dans le récit, tout çà m’a également parfois égarée.
La prose est très belle, cultivée mais absolument pas pédante, naturellement inventive, malicieuse et très sensuelle, porteuse de belles réflexions philosophiques, mais faut s’accrocher, il y a beaucoup de disgressions, et faut pas avoir peur des phrases parfois longues de deux pages sans ponctuation. La langue de l’auteur est belle, vraiment belle, mais très exigeante.
456 pages, j’avoue il était temps pour moi que cesse cette aventure, de savoir qui était vraiment Elimane (et que je me trouve un autre bouquin à la plume plus limpide/facile, pour récupérer des forces).
Mais c’etait bien. Vraiment bien. De la belle et bonne littérature. Une très belle oeuvre littéraire centrée sur les ponts entre l’Afrique et l’occident, une très belle ode à la littérature.