Rukiko, calligraphe à son compte, s’enfuit de Tokyo et de son mari froid et volage. Avec quelques sacs remplis de ses affaires les plus importantes, le taxi la dépose devant le vieux chalet de campagne de sa famille, où quasiment plus personne ne vient.
Elle se balade, travaille beaucoup, se ressource, se remémore son enfance, les joies familiales dans cet endroit, occulte peu à peu la sourde violence conjugale qu’elle a subi. La vieille patrone de l’auberge d’à côté, avec qui elle sympatise, lui apporte ses courses et veille sur elle.
Rukiko va faire la rencontre d’un voisin, facteur de clavecin, de son assistante et de leur vieux chien très affectueux. Avares de paroles, ils vivent en autarcie, se concentrant sur leur travail. Rukiko est fascinée par le travail du bois qu’ils réalisent, par la précision exigée pour sortir le bon son, par la musique jouée par l’assistante. Tous trois vont se lier fortement. Peu à peu, chacun va lever les mystères l’entourant et se révéler à l’autre. Des liens intenses parfois impossibles vont se développer entre ces trois personnages ayant mis l’activité manuelle au coeur de leurs vies pour calmer leurs esprits. Auprès d’eux, Rukiko va apprendre à se connaître mieux,va retrouver la chaleur humaine et la douceur qui manquaient à sa vie, s’affirmer.
Comme toujours avec Yôko Ogawa, l’écriture est très immersive et sensuelle. Les riches personnages solitaires, la nature, l’attachement aux petits détails font vibrer le texte. La forêt, le vent, le bois du chalet qui craque, le bruit du travail de menuiserie, les sonorités du clavecin, la bave du chien, la douce plume de la calligraphe, les plats partagés, les habits bien chauds, les feuilles, la neige, le thé… enivrante écriture.
Un roman de Yôko Ogawa, c’est du bouillon de vie pur, un condensé de culture shinto dans lequel je me replonge toujours avec délices et émotion.
C’est un très beau roman sur la liberté, le retour à soi, le renoncement, le renouveau. J’ai adoré.