J’aime la plume et les histoires sentimentales si peu ordinaires de l’auteure japonaise Hiromi Kawakami.
« Les années douces », racontant la relation entre une jeune femme et un vieux professeur d’université, a marqué ma vie de lectrice. Les sensations, tout comme les personnages, sont comme gravés en moi, c’est très rare car j’ai peu de mémoire, je ne me souviens que rarement des personnages et des histoires de mes lectures, bien souvent ne me restent que quelques sensations, parfois rien. C’est d’ailleurs pour celà que je fais des chroniques, à la base : pour me rappeler moi-même de mes lectures.
Retour à nos moutons. Dans ce roman, au titre sublime, on suit Miyako et Ryo, un frère et une soeur qui se sont perdus de vue durant leur vie adulte et se retrouvent vers la cinquantaine, en 2013. Ryo a échappé de peu à l’attentat au gaz sarin du métro de Tokyo, il en reste très tourmenté. Miyako est graphiste indépendante et vit seule après quelques relations qui n’ont jamais duré.
Le frère et la soeur se rapprochent, se remémorent le bon temps, puis décident de s’installer ensemble dans la maison de leur enfance, inoccupée depuis le décès de leur mère quelques années auparavant. Ils étaient très liés durant leur enfance, choisissant de dormir dans la même chambre, une chambre décorée de leurs dessins du sol au plafond, une pièce restée telle qu’elle dans la maison, mais désormais fermée à clé.
Installée dans la maison, les souvenirs d’enfance et d’adolescence de Miyako ressurgissent en vrac. Elle nous les livre tels qu’ils viennent, nous laissant composer le puzzle d’une famille d’apparence normale, joyeuse, mais construite sur d’importants secrets, une famille dans laquelle des limites ont clairement été franchies.
C’est un roman extrêmement troublant où l’auteure décrit tout en douceur, poésie et même tendresse, des faits non naturels, qui heurtent forcément. C’est très dérangeant. L’auteure cherche-t-elle à montrer que leur étrange filiation, longtemps cachée à Ryo et Miyako, explique les faits ? Ceux-ci sont-ils plutôt naturels et spontanés ? L’auteure nous balade entre ces deux hypothèses au fur et à mesure des révélations, c’est passionnant tout autant que glaçant.
J’ai adoré ce roman traitant de la construction de l’identité au sein de la famille.
Attention : les faits décrits et surtout la façon dont ils le sont, tout en beauté, peuvent vraiment heurter certaines sensibilités.