Gros coup de coeur pour ce roman de Véronique Ovaldé, paru en 2019.
Dans une petite ville côtière du sud de la France, vers la mi-juin, Gloria fait son sac. Passeports, objets essentiels, Beretta. Elle quitte l’appartement sans se faire voir, passe prendre ses filles à l’école, puis au collège et roule toute la nuit, direction l’Alsace, pour s’installer dans la vieille maison isolée en bord d’un lac de feu sa grand-mère, dont elle a hérité.
Que fuit Gloria ? Le père de ses filles, un faussaire un peu alcoolique ? Son avocat si prévenant qui gère ses affaires et prend les petites pour ses petites-filles ?
Gloria doit se sentir sacrément en danger pour abandonner Tonton Gio, sa seule famille, meilleur ami de son père décédé, qui veille sur elle depuis toujours, un homme misanthrope, parano, collectionneur de boites à musique miniatures, patron de rade, qui ne boit que du thé vert japonais, ne mange que le poisson qu’il pêche, quel personnage, ce Tonton Gio, j’ai adoré.
Gloria et les filles passent un bon été en Alsace, même si Gloria est sur ses gardes et que l’aînée râle qu’elle lui ai confisqué son portable. Puis Gloria leur fait faire la rentrée scolaire sur place. L’aînée se rebelle, la petite tombe malade.
Par de réguliers flash-backs, on plonge dans le passé de Gloria : l’abandon de sa mère quand elle était enfant, son père qui ne s’en remettra pas, Tonton Gio qui soutient les deux, l’adolescence triste et seule, la maladie du père, l’arrêt des études, l’amour, l’héritage, la rencontre avec l’avocat, l’arrivée des filles…
C’est haletant, on se demande en permanence ce qui a bien pu se passer pour que Gloria se sente si menacée au point de fuir.
Ça pourrait être un roman sombre, çà ne l’est pas du tout, c’est solaire, rempli de vie, on se marre bien avec des personnages originaux et des situations cocasses, en s’immergeant dans une vie quotidienne joyeuse, remplie de tendresse, sans pour autant être mièvre. On s’amuse également grâce à la plume de l’auteure, ses longues parenthèses ou petits appartés, ses phrases envolées, échêvelées, ses métaphores si drôles, sensibles, Véronique Ovaldé danse avec les mots, c’est un vrai régal.
C’est un roman oppressant et joyeux à la fois, et c’est succulent.
La chute est totalement inattendue, diabolique, quel bonheur d’être surprise ainsi !