L’enfance de Mathilde, c’est le Balto, que tiennent ses parents, à quelques encablures de Paris. Les limonades, les cafés, le bruit de la vaisselle qui tinte, le poêle qui ronronne, les bals improvisés le samedi soir quand son père sort l’harmonica et rassemble le village sur son pas de porte.
C’est la cueillette des champignons le dimanche avec son gai-luron de père, aimant, insouciant, distant, alors Mathilde fait les quatre-cent coups, escalade le donjon effondré, se baigne dans la Seine gelée, garçon manqué, elle cherche l’attention de son père, qu’elle adule, elle rêve de danser dans ses bras, comme sa grande soeur qui y a droit.
La famille Blanc est heureuse, joyeuse, confiante en la vie qui s’annonce facile en ce début des trente glorieuses.
Mais voilà que les bacilles s’invitent, la santé du père décline, c’est la mise à l’écart, la stigmatisation, et puis les dettes qui s’amoncellent. La famille, qui ne cotise pas à la sécu qui vient tout juste d’être crée, s’enfonce dans le malheur et la précarité, se disloque.
Mathilde s’accroche. Passant par les pires traitements et privations, mettant en jeu sa santé physique et mentale pour préserver la dignité de sa famille, passer son diplôme de compta, obtenir la garde de son petit frère et aller soutenir ses parents au sanatorium chaque week-end à pied. Elle s’obstine, rafistole, petite adulte avant l’heure, sans jamais se plaindre ni demander, ne comptant qu’occasionnellement sur les rares amis restés et les quelques personnes qui sauront voir et lui tendre la main. Quel personnage fort, digne !
C’est une histoire rude, mais très tendre, centrée non pas sur le pathos mais sur la personnalité lumineuse d’une adolescente combative, qui découvre trop tôt ce que l’humanité peut donner de plus âpre mais qui mais n’en conserve que le beau.
J’ai aimé cette plongée dans ces trente glorieuses qui n’ont pas été si faciles qu’on aime à l’imaginer. La considération des femmes, le traitement des enfants placés, la mise à l’écart des travailleurs emmigrés, des personnes malades, le racisme, non, tout n’était pas rose.
L’écriture est limpide, très vivante, explicative, jamais larmoyante. J’ai beaucoup apprécié cette lecture que je recommande chaudement.